10 Rillington Place

10 Rillington Place

PG19711h 46mBiography, Crime,
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What happened to the women at 10 Rillington Place? The story of British serial killer John Christie, who committed most or all of his crimes in the titular terraced house, and the miscarriage of justice involving Timothy Evans.
Nostromoo reviewedOctober 9, 2024
Dictionnaire du Cinéma Œuvre expérimentale au sens propre, 10 Rillington Place plus loin qu’on ne l’avait fait avant lui dans la reconstitution minutieuse et impassible d’une réalité atroce et strictement vraie. (Le scénario est en effet tiré d’un fait divers dont le dénouement juridique contribua à l’abolition de la peine de mort en Grande-Bretagne.) Comme tous les grands cinéastes, Fleischer a d’abord le génie du lieu. Une description hyper-réaliste (au sens pictural du terme) de cette ruelle londonienne, mêlant studio et extérieurs (tournés sur place) va cerner l’espace où agit le tueur. Cloporte, être particulièrement disgracié, qu’on peut trouver monstrueusement bête (c’est l’un des points de vue adoptés par Jacques Goimard dans une intéressante critique du film parue in « Positif » n° 136), il défiera cependant la police, la justice et les plus hautes instances administratives britanniques en les rendant pour ainsi dire complices de ses crimes par l’intermédiaire d’une monumentale erreur judiciaire. La bêtise, si bêtise il y a, a ici un pouvoir démiurgique absolument terrifiant. De quoi est-elle alors le reflet ? Dans ce lieu abandonné des dieux, situé pourtant au cœur d’un pays civilisé, Fleischer observe l’interaction fatale de divers résidus et échecs de la civilisation : la misère, l’analphabétisme, le dégoût de soi-même et de son environnement (qui incline par exemple Evans à la mythomanie), l’ignorance poussée chez les victimes jusqu’à la disparition de l’instinct de conservation. Ces éléments rendirent possibles les entreprises de Christie, sans oublier les carences de la justice face à une réalité si opaque qu’elle échappait aux schémas connus. Le film ne veut contenir aucune leçon : c’est là sa force et son étrange pouvoir (et en conséquence tout commentaire sur lui ne peut que le laisser intact pour le futur spectateur). Mais il place ce spectateur devant une notion qu’un seul mot ne saurait désigner et qu’à défaut de trouver mieux on pourrait appeler : absence du désir réel de comprendre. Cette notion qui ne se confond pas avec l’indifférence (car après tout la justice ne fut pas indifférente au témoignage de Christie) est caractéristique de tous ceux qui ont approché l’étrangleur. Elle fut la condition sine qua non de la liberté absolue dont il a bénéficié durant sa carrière de tueur. Fleischer n’a pas cherché ici, comme dans tant de ses films antérieurs, à analyser en profondeur la monstruosité d’un personnage. Il a seulement donné à voir sur quel terrain, sur quel terreau elle avait pu se développer et, s’il est permis d’employer ce terme, s’épanouir. Génial dans son interprétation, dans sa recréation d’une atmosphère, dans sa construction dramatique (simplement imitée de la réalité), le film appréhende ainsi l’espace (le gouffre) qui sépare encore notre monde de la civilisation. Il laisse sans garde-fou le spectateur devant son propre vertige.

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